Avril 1932. Les soucis mondiaux s'étendent.
 
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 Une retenue électrique

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MessageSujet: Une retenue électrique   Une retenue électrique EmptyMer 17 Juin - 14:32

Plus que quelques jours avant les examens, à présent. Alexis n’attendait que la fin du mois de juin, il n’attendait que de pouvoir quitter enfin cette école, pouvoir passer de longs jours sans plus revoir ces salles de classe ni tous ces lâches qui leur servaient de « professeurs ». Il jeta son sac sur son épaule avec un grand soupir, laissant ses amis partir devant. Il les rejoindra au réfectoire ou au dortoir après sa retenue de ce soir, selon son humeur. Il avait envie de retourner à la chapelle et s’y blottir dans un coin, comme il le faisait souvent depuis la mort d’Oscar. Il avait une petite cachette, dans un coin près d’une des statues, à deux mètres de l’autel. Juste assez grande pour qu’un enfant puisse s’y glisser et s’y dissimuler. Le Père Vilette connaissait bien cette petite cache, en revanche, Alexis savait qu’il regardait toujours si un des jeunes élèves ne s’y était pas blotti. Une fois, Alexis s’était même retrouvé à pleurer dans ses bras, le lendemain de l’enterrement. Le vieil homme n’en avait parlé à personne. Alexis lui vouait un profond respect, il avait vraiment un cœur en or.

Il repensa à cette scène assez improbable en montant au quatrième étage. Ne pas être jugé, avoir quelqu’un à qui parler, une personne capable de comprendre, à qui vous pouviez tout dire, c’était vraiment merveilleux. Lui qui n’avait jamais accepté, durant des années, de mettre ne serait-ce qu’un seul orteil dans tout bâtiment affilié de près ou de loin aux Catholiques… Mais c’était le prêtre du pensionnat, il avait ce don pour vous apaiser et vous consoler. Soupir. Il frappa à la porte du bureau de la hyène numéro deux, entrant presque aussitôt. Elle était assise à son bureau, sans doute à corriger des copies de devoirs inutiles, qui ne servaient qu’à enfoncer les élèves en leur donnant l’illusion qu’ils faisaient des progrès alors qu’ils n’étaient destinés qu’à servir de chair à pâtée dans une future guerre, peut-être même mondiale à nouveau. Sa main se serra sur la bandoulière de son sac alors que son uniforme semblait bien plus l’étouffer, d’un seul coup. Il aurait dû se laisser partir pour de bon. Désolé, Caroline, désolé, petite sœur… Finalement, il serait mieux qu’elle ne vienne jamais ici. Cet endroit n’était pas fait pour elle.

– Bonjour, Monsieur Robert. Installez-vous et prenez de quoi écrire.

Donc perte de temps à recopier des trucs inutiles, formidable, il adorait perdre son temps comme ça. Il déposa son sac par terre puis s’assit sur la petite table qu’il y avait près de son bureau. Elle vint lui donner des feuilles puis lui expliqua ce qu’il devait faire. Pourquoi c’est dangereux d’utiliser son don seul, pourquoi on ne peut pas l’étouffer, comment il s’était blessé. Il aurait préféré copier des lignes… Il lui jeta un regard lorsqu’elle retourna tenir compagnie à ses cours et ses copies puis fixa les feuilles. Pourquoi, comment… Il retint un long soupir en trempant son crayon dans l’encre. Perte de temps. Perte d’énergie. Aucune envie d’écrire quoi que ce soit pour une hyène traîtresse et manipulatrice. Il commença par dessiner dans le coin de la feuille un homme de dos, dont on voyait le regard en coin, puis commença à écrire.

« Pourquoi ne pas s’entraîner seul aussi jeune ? Oui, c’est dangereux. On peut se blesser ou pire. S’entraîner seul avec ce don à mon âge il y a quelques années aurait été fou, en effet. Cette année, en revanche, je trouve ça tellement moins dangereux que de s’entraîner devant tout le monde et de montrer ce que l’on peut faire ou non. Certains l’ont fait et bizarrement tous attrapé une « maladie » alors qu’ils étaient en excellente santé la semaine précédente. Bien entendu, cette maladie est mortelle, même si ce n’est pas pour les raisons que l’ont croit.

Je savais que c’était dangereux, interdit, inconscient et je l’ai fait tout de même. Je savais aussi ce que je risquais en faisant ça. Je ne l’ai pas fait pour devenir plus fort ou entraîné, juste pour apprendre à relâcher complètement mon don au cas où moi aussi, j’attraperai cette fameuse maladie. Enfin, ça, c’est l’excuse. Lorsque je le lâche entièrement, la plupart du temps, c’est en espérant que ce don se retourne contre moi. Mais ça n’est jamais arrivé, mon don ne m’a jamais frappé à mort, même s’il y a eu des blessures, j’ai toujours été épargné par plus grave au dernier moment. Pourquoi, je n’en sais rien. »


Peut-être les dons avaient-ils une « conscience » propre ? Ce qui expliquerait pourquoi il n’avait jamais été frappé à mort ? C’était un peu farfelu, comme hypothèse… Il mordit dans son crayon deux ou trois secondes, pensif, puis dessina la scène qu’il venait d’écrire. Une très grande pièce, plongée dans le noir. Lui-même, silhouette en fond. Puis des centaines d’éclairs autour de lui, filant partout, s’entrechoquant.

« Si on ne peut pas étouffer un don, on peut au moins le laisser libre, le lâcher, juste comme ça, puis rester au milieu. J’ai été blessé à la jambe à cause d’un ricochet, mais la Mort ne veut visiblement pas de moi pour le moment. Si c’est le cas, comment lui dire à quel point son humour est douteux ? Je sais que ce que je fais ne sert à rien. Ça ne ramènera personne. »

Il trempa la mine dans l’encre puis s’appliqua, à la fin, pour dessiner soigneusement six silhouettes, les six élèves disparus depuis des mois, dont Oscar. Au moins, il ne devait plus souffrir, là-haut… Au moins, c’était fini. Il reposa son crayon pour observer le dessin, pensif. La hyène numéro deux pouvait bien gueuler ou jeter ça, peu importe. Il lui dit qu’il avait fini, rendant la copie. Elle vint la prendre pour lire, tandis qu’il jouait avec son crayon, puis soupira en s’asseyant. Il ne rajouta rien du tout, se contentant de garder le regard fixé sur la bouteille d’encre noire.

– Je ne m'énerverai pas, si c'est ce que vous pensez. Je comprends ce que vous ressentez et je vous assure que nous faisons ce que nous pouvons. Mais ce n'est pas parce que vous ne voyez pas certains professeurs agir qu'ils ne font rien.

Dire ça était un peu facile… Ce qu’Alexis voyait très bien, c’est que c’était toujours les mêmes qui se faisaient agresser physiquement et verbalement, dans l’école, dans la rue, même dans les journaux. Encore et toujours les mêmes personnes, toujours, sans cesse.

– Je respecte votre point de vue. Mais je ne peux pas vous laisser faire ça. A partir de maintenant, vous viendrez dans la salle d'entraînement trois fois par semaine. Je vous donnerai des cours particulier durant lesquels vous pourrez lâcher votre don sans risque.

Des « cours particuliers » ? Pour quoi faire ? Il tourna enfin la tête vers elle, maintenant plus méfiant que jamais. C’était ça le nouveau stratagème de l’armée pour savoir qui était le prochain cobaye sur la liste ? Se servir des professeurs d’élément pour regarder en amont les élèves et repérer ceux qui feront de bons sujets d’expérience ?

– Pour quoi faire, je suis si nul que ça ? marmonna-t-il entre ses dents en reportant le regard sur la bouteille d’encre, alors que la peur venait lui tordre le ventre.

Mourir à cause de son don, ou dans un accident, ou d’il ne savait quoi, ce sera au moins rapide et sans douleur. Mais s’il devait y passer, il ne voulait pas que ce soit en étant coincé sur une table de laboratoire à crier pour qu’on vienne l’aider, tout en sachant très bien que c’était impossible. Il n’était pas un héros sans peur et sans reproches, ni même un adulte prêt à mourir le plus dignement possible. Il était un enfant, un enfant conscient qu’il vivait dans un monde des plus dangereux et qui savait que son tour pouvait arriver à n’importe quel moment.

– Non, vous êtes un très bon élève. Mais je ne veux pas que vous fassiez des erreurs, je vous comprends plus que vous ne le pensez. Si vous avez peur de vous entraîner devant les autres, aucun problème. Vous le ferez avec moi.

Elle n’avait pas compris… Il avait peu de s’entraîner devant tout le monde. Il ne savait pas à qui faire confiance, vers qui se tourner, à part quelques rares personnes. Il avait confiance en la directrice, le Père Vilette, des amis très proches, sa petite sœur, le sous-directeur, mais ça s’arrêtait là. Il se mordit à mordre son crayon dans un geste nerveux, regardant toujours la petite bouteille d’encre. Il ferait peut-être mieux de lâcher son don en étant à moitié immergé dans le lac…

– Pourquoi vous faites ça ? demanda-t-il d’une voix plus rauque alors qu’il retenait ses larmes de toutes ses forces. « Ne pas faire d’erreurs »… Je ne comprends pas ce que ça changera dans votre vie… Ou alors, c’est encore un autre moyen pour choisir les futurs cobayes. Après les enlèvements, on peut tester la manipulation…

Il avait dit ça d’un ton plus norme, plus pour lui-même que pour la prof.

– Pourquoi les professeurs ont tout abandonné ?
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Céleste Dumoulin
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Céleste Dumoulin
MessageSujet: Re: Une retenue électrique   Une retenue électrique EmptySam 20 Juin - 16:07

Céleste était penchée sur ses copies, préparant les questions d’examen, les peaufinant et les corrigeant. La directrice avait déjà fait les questions pour les lycéens, ce qui leur avait au moins épargné une énorme charge de boulot en plus, mais elle-même les modifiait et adaptait chaque année. Chaque classe était différente, même si les points théoriques abordés restaient sensiblement identiques. Certains points étaient nuancés, approfondis selon les questions, vaguement survolés parfois pour cause de manque de temps ou de compréhension plus rapide, et tous ces facteurs changeaient invraisemblablement l’examen théorique.

Elle porta sa main à sa bouche pour camoufler un bâillement, assise à son bureau. Ces entraînements l’épuisaient… Au fur et à mesure des soirées, Cyprien lui donnait des exercices de plus en plus compliqués. Et, maintenant que Céleste était à nouveau penchée dans les programmes du lycée, elle ne pouvait ignorer la progression des cours et des exercices. Dans deux ou trois jours, ils auraient terminé de revoir le programme des secondes. Dans une semaine, deux maximum, ils auront dépassé celui des terminales… Elle ne pouvait pas aller plus loin ! La jeune professeure se mit à imaginer des plans pour échapper à son ami, se jurant intérieurement de demander ce qu’il prévoyait de faire à chaque fois. Si elle s’enfermait dans son appartement, il ne pouvait pas l’obliger à le quitter.

Céleste entendit alors un bruit de pas sur le plancher et termina sa liste de questions, raturant l’une d’entre elles qui n’était pas assez claire à son goût. Il fallait des questions au sens univoque pour ne pas laisser place aux quiproquos sans donner la réponse aux élèves pour autant. N’étant qu’à sa deuxième année d’enseignement, elle maîtrisait encore très peu cette facette de son métier mais se corrigeait assez vite. Après quelques secondes, comme prévu, on frappa à la porte. Parfait, son jeune élève était à l’heure, il était dix-huit heures. Il entra presqu’aussitôt, lui faisant lever la tête. Céleste avait longuement réfléchi à la retenue qu’elle allait lui donner et à ce qu’il devrait faire par la suite. Elle ne pouvait pas le laisser comme cela, il était mal, déprimé, et il devait savoir qu’il n’était pas seul.

Céleste – Bonjour, Monsieur Robert. Installez-vous et prenez de quoi écrire.

Son élève s’exécuta, quoi que de mauvaise grâce. Elle le savait mais ce qu’il avait fait était dangereux et il devait l’intégrer, le retenir. Peut-être n’avait-il pas confiance en elle mais ce n’était pas pour cette raison qu’il devait mettre la vie d’autrui en danger ! Ne trouvait-il pas qu’il y avait déjà assez de malheurs dans ce Pensionnat ? Céleste se leva avec des feuilles et vint les lui donner en expliquant ce qu’il devait écrire. Faire copier des lignes n’était pas son truc, c’était inutile et cela n’apprenait rien. Que ce soit au professeur ou à l’élève. Non, ce soir, Alexis devrait lui expliquer pourquoi utiliser son don seul était dangereux, pourquoi il ne pouvait pas l’étouffer et comment il s’était blessé. Bien sûr, elle-même savait tout cela – depuis peu, en fin de compte… -, mais le plus important était que lui le retienne. Et elle ne voulait pas de formules toutes faites, non, seulement ce qu’il pensait vraiment.

Céleste retourna à sa place, indifférente à l’air qu’avait son élève. Il pouvait s’estimer heureux ! Une autre professeure, détestée par tout le monde, se serait contentée de hurler en faisant copier des lignes ou des exercices inutiles. D’accord, ce n’était ici qu’une hypothèse, mais une hypothèse tellement crédible… Surveillant Alexis du coin du regard, retournant à ses feuilles, Céleste posa une main sur son front pour soutenir sa tête. Que pouvait-elle demander d’autre ? Pour elle, le don était surtout pratique, les premières bases apprises. Elle posait des questions, bien sûr, mais surtout parce que c’était obligatoire. Tant de choses changeaient, entre théorie et pratique… Un élève pouvait très bien réussir la pratique et rater la théorie.

Pendant un moment, il n’y eut plus que le bruit du grattement de crayon sur la feuille, Céleste relevant de temps en temps la tête pour surveiller son élève. Après cela, il pourrait s’en aller. Ce n’était que la première partie de sa « punition ». Elle avait bien réfléchi et comptait donner des cours particuliers à son élève deux ou trois fois par semaine, histoire de le former et de lui donner les moyens de ne pas faire de bêtises. Il n’était pas assez armé et risquait vraiment sa vie, en plus de celle de ses condisciples. Elle espérait, grâce à cela, garder un œil sur lui sans l’empêcher de progresser. Cependant, très vite, Alexis lui dit qu’il avait fini. Haussant un sourcil, Céleste se leva pour prendre la copie, son regard tombant d’abord sur six silhouettes, en bas de la feuille. Des élèves… Sa gorge se serrant, la jeune professeure lut ce qu’il avait écrit.

« Pourquoi ne pas s’entraîner seul aussi jeune ? Oui, c’est dangereux. On peut se blesser ou pire. S’entraîner seul avec ce don à mon âge il y a quelques années aurait été fou, en effet. Cette année, en revanche, je trouve ça tellement moins dangereux que de s’entraîner devant tout le monde et de montrer ce que l’on peut faire ou non. Certains l’ont fait et bizarrement tous attrapé une « maladie » alors qu’ils étaient en excellente santé la semaine précédente. Bien entendu, cette maladie est mortelle, même si ce n’est pas pour les raisons que l’ont croit.

Je savais que c’était dangereux, interdit, inconscient et je l’ai fait tout de même. Je savais aussi ce que je risquais en faisant ça. Je ne l’ai pas fait pour devenir plus fort ou entraîné, juste pour apprendre à relâcher complètement mon don au cas où moi aussi, j’attraperai cette fameuse maladie. Enfin, ça, c’est l’excuse. Lorsque je le lâche entièrement, la plupart du temps, c’est en espérant que ce don se retourne contre moi. Mais ça n’est jamais arrivé, mon don ne m’a jamais frappé à mort, même s’il y a eu des blessures, j’ai toujours été épargné par plus grave au dernier moment. Pourquoi, je n’en sais rien.

Si on ne peut pas étouffer un don, on peut au moins le laisser libre, le lâcher, juste comme ça, puis rester au milieu. J’ai été blessé à la jambe à cause d’un ricochet, mais la Mort ne veut visiblement pas de moi pour le moment. Si c’est le cas, comment lui dire à quel point son humour est douteux ? Je sais que ce que je fais ne sert à rien. Ça ne ramènera personne. »


Il avait… Bon, c’était plus grave que ce qu’elle imaginait. Céleste lança un regard à Alexis avant de soupirer et de s’asseoir sur le bord du banc placé à côté de lui. Il était désespéré… Non, les élèves n’étaient pas indifférents à ce qui se passait, oui ils comprenaient la vérité et la devinaient, même si personne ne les tenait au courant. Il fallait que les professeurs ouvrent les yeux ! A cause de cela, les élèves en pâtissaient et se laissaient aller dans la déprime, comme le jeune Alexis. Ce n’était pas sur lui qu’elle devait hurler, non, c’était sur quelqu’un d’autre. Une certaine professeure qui était un virus, qui se propageait et emmenait d’autres personnes saines avec elle. Une vraie maladie à elle seule. Mais ne pas s’énerver. Respirer, rassurer Alexis.

Céleste – Je ne m'énerverai pas, si c'est ce que vous pensez. Je comprends ce que vous ressentez et je vous assure que nous faisons ce que nous pouvons. Mais ce n'est pas parce que vous ne voyez pas certains professeurs agir qu'ils ne font rien.

Il devait garder cela en tête. Il n’était pas seul, il devait pouvoir compter sur quelqu’un. Au fond, c’était seulement cela qui avait enfoncé Céleste, même si elle s’était bougée grâce à sa sœur. Il n’y avait personne pour la pousser, l’épauler. Il y avait bien Cyprien… Mais elle ne lui avait parlé qu’à la mi-juin. Après des années à s’enfermer et s’isoler pour finir par devoir agir dans l’urgence. Cependant, si Alexis pensait une telle chose, il n’allait pas la croire sur parole. Parler était facile, le prouver beaucoup moins. Elle le comprenait mais il devait se reprendre. Son jeune élève ne la regardait toujours sa bouteille d’encre pendant qu’elle le regardait, les bras croisés, toujours appuyée sur le bord du banc.

Céleste – Je respecte votre point de vue. Mais je ne peux pas vous laisser faire ça. A partir de maintenant, vous viendrez dans la salle d'entraînement trois fois par semaine. Je vous donnerai des cours particulier durant lesquels vous pourrez lâcher votre don sans risque.

Ah, cette fois, elle le fit réagir. Alexis tourna la tête vers elle, l’air méfiant, avant de reporter son regard vers la bouteille. Elle trouvait, d’ailleurs, incroyable de voir à quel point des objets inoffensifs pouvaient devenir indispensables et nous sauver la vie dans des situations pareilles. Céleste n’était pas un monstre, elle ne voulait que l’aider ! Laisser un élève dans cet état n’était pas possible, tout simplement. Surtout après ce qu’il lui avait confié.

Alexis – Pour quoi faire, je suis si nul que ça ? marmonna-t-il entre ses dents.

Céleste – Non, vous êtes un très bon élève. Mais je ne veux pas que vous fassiez des erreurs, je vous comprends plus que vous ne le pensez. Si vous avez peur de vous entraîner devant les autres, aucun problème. Vous le ferez avec moi.

Alexis se mit à mordre son crayon, alors que Céleste restait silencieuse. Elle ne l’abandonnerait pas, elle refusait de le laisser faire les mêmes erreurs qu’elle. Même s’il l’ignorait, elle était passée par là, elle aussi. Ce fameux jour où, fraîchement diplômée, elle était revenue pour parler à la directrice. Lui demander comment étouffer un don. Et avait vu tous ses espoirs être anéantis en une seule parole, un seul mot. Céleste savait que cette discussion était difficile, pour Alexis, elle savait aussi qu’il était sans doute très mal pour l’instant, mais c’était un passage obligé. Elle ne dit rien, attendant qu’il parle.

Alexis – Pourquoi vous faites ça ? demanda-t-il d’une voix plus rauque alors qu’il retenait ses larmes de toutes ses forces. « Ne pas faire d’erreurs »… Je ne comprends pas ce que ça changera dans votre vie… Ou alors, c’est encore un autre moyen pour choisir les futurs cobayes. Après les enlèvements, on peut tester la manipulation…

Céleste secoua la tête, cherchant ses mots. Objectivement, peut-être que cela n’allait pas changer grand-chose dans sa vie, oui. Mais il était élève au Pensionnat, il connaissait la même chose qu’elle avait connue et elle refusait de le voir vivre la même chose. Il essaierait d’étouffer son don sans y arriver. Et se tuerait. Peut-être arriverait-il à ses fins, mais cela prendrait plusieurs années… Et il souffrirait atrocement avant. Il ferait du mal aux personnes qui l’appréciaient.

Alexis – Pourquoi les professeurs ont tout abandonné ?

Céleste – Les raisons dépendent des professeurs, dit-elle d’un ton dégoûté malgré elle. Certains pensent bien agir et ne voient pas ce qui se passe à côté d’eux, devant leurs yeux. Leur entourage les empêche de faire quoi que ce soit… D’autres ont peur et restent convaincus de la « bonne foi » des militaires s’ils restent sages.

Céleste réfléchissait en parlant, sachant qu’elle ne pouvait pas critiquer ouvertement ses collègues. Mais désolée, là, c’était impossible. Au fond, elle n’avait rien contre Estelle, Daniel et Alice qui n’en pouvaient pas grand-chose. Ils étaient naïfs, simplement. Le vrai « traitre » dans toute cette équipe était Sarah… Elle serra les poings, toujours assise, en repensant à la professeure de maths. Lorsqu’elle repensait à la discussion qu’ils avaient eue dans la salle des profs à ce propos, elle ressentait une furieuse envie de vomir. Mais soit. Céleste prit une grande inspiration, tentant de maîtriser sa colère.

Céleste – Mais ce n’est pas de leur faute, même s’ils sont naïfs, ils sont seulement… « corrompus » par une personne qui fait preuve d’égoïsme. Mais nous, nous pouvons vous aider. On essaie de leur faire ouvrir les yeux… Mais il faut que vous teniez le coup, que vous nous fassiez confiance, même si je sais que ce ne sont que de belles paroles à vos yeux et rien d’autre.

Céleste fit une pause, desserrant les bras pour se redresser et se mettre face à Alexis, posant les mains sur le pupitre pour attirer son attention. Elle n’avait pas répondu à sa première question. Pourquoi elle faisait cela… Comment lui dire sans trop en dire, sachant que cela relevait de sa vie privée ? Pourtant, il devait savoir. Il n’avait pas besoin de tout connaître, seulement quelques détails. Il fallait qu’il trouve quelqu’un en qui il pouvait avoir confiance et qu’il arrête de se laisser miner par tout ce qui se passait au Pensionnat. Elle se redressa de nouveau, restant debout face à lui, le fixant de son regard bleu.

Céleste – Si je veux vous aider, c’est parce que j’ai voulu étouffer mon don, moi aussi, il y a des années de cela maintenant, dit-elle avec un air impassible. Mais j’ai appris que c’était impossible et j’en ai souffert avant de trouver des gens pour avancer. Je ne connais pas votre histoire, et je ne vous demande pas de me la raconter, mais… Ce que font les militaires, les camarades que vous avez perdus… Vous devez continuer à vivre.

Cette discussion était difficile, aussi bien pour lui que pour elle. C’était si récent… Mais Céleste devait mettre tout cela de côté et aider son élève au mieux. Lui donner des outils pour continuer à vivre, quel que soit l’objet de sa dépression. Combien d’élèves étaient comme lui, à vouloir étouffer son don ou à vouloir mourir ? Elle avait peur de le savoir, peur de l’apprendre.

Céleste – Certains professeurs sont des personnes de confiance, comme votre professeur de SVT, de gymnastique, moi, la directrice bien sûr, l’infirmier… Il ne faut pas vous enfermer et vous laisser miner par les militaires. Je ne vous demande pas d’oublier vos proches ou les raisons qui vous donnent envie de mourir, mais transformez-les en force.
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MessageSujet: Re: Une retenue électrique   Une retenue électrique EmptyLun 22 Juin - 10:57

– Les raisons dépendent des professeurs, dit-elle d’un ton dégoûté malgré elle. Certains pensent bien agir et ne voient pas ce qui se passe à côté d’eux, devant leurs yeux. Leur entourage les empêche de faire quoi que ce soit… D’autres ont peur et restent convaincus de la « bonne foi » des militaires s’ils restent sages.

Alexis se demandait comment on pouvait arriver à une telle niveau de débilité profonde, alors même que l’on est censé être adulte et responsable. Comment ne pas voir ce qui se passait ?! C’était impossible ! Même des gamins de sixième y arrivaient et pas eux ? Il pouvait comprendre la peur mais pas l’aveuglement. C’était juste… désespérant, dégoûtant, à vous faire vomir. Il ne pouvait pas comprendre ce genre de mentalité désastreuse, c’était comme si on venait le trouver avec une scie en lui demandant de découper son propre bras car c’était « ce qu’il fallait ». Il pouvait trouver cela complètement ridicule ou rire serait mal apprécié ? Il croisa un peu plus les bras, dégoûté, en se demandant si ça pouvait vraiment être pire. Sûrement, même s’il avait du mal à voir en quoi. Mais ça pouvait toujours être pire.

– Mais ce n’est pas de leur faute, même s’ils sont naïfs, ils sont seulement… « corrompus » par une personne qui fait preuve d’égoïsme. Mais nous, nous pouvons vous aider. On essaie de leur faire ouvrir les yeux… Mais il faut que vous teniez le coup, que vous nous fassiez confiance, même si je sais que ce ne sont que de belles paroles à vos yeux et rien d’autre.

Hin hin… Faire confiance à une prof de cette école… Pourquoi ne pas faire confiance au chef de l’armée, pendant qu’elle y était ? Ou faire confiance à tous les criminels se trouvant dans les prisons de Paris ? Ce serait comme se balader avec une pancarte « frappez-moi ! ». Et elle pensait qu’il allait lui faire confiance, juste parce qu’elle le demandait. Dans ses rêves, peut-être, mais il ne pouvait pas faire confiance tant qu’il n’aura pas eu de preuves tangibles qu’elle agissait réellement contre l’armée. Parler et dire que oui, on agissait, c’était très facile mais aussi inutile. Elle était ridicule en réclamant de la confiance alors qu’elle ne faisait rien pour la mériter, bien au contraire. Ridicule et perdant ainsi toute crédibilité. « Faites-moi confiance, même si pour le moment, je vous donne juste des sentiments de peur et de colère ». S’il voulait s’en sortir, il ferait mieux de ne compter que sur lui-même ! Comme… Hum… Une idée fleurit peu à peu dans son esprit, pendant que la prof se plantait devant le bureau, sans qu’il prenne garde. Oui, ce serait possible… Dangereux, mais possible. Oscar ne devait pas être mort pour rien.

– Si je veux vous aider, c’est parce que j’ai voulu étouffer mon don, moi aussi, il y a des années de cela maintenant, dit-elle avec un air impassible. Mais j’ai appris que c’était impossible et j’en ai souffert avant de trouver des gens pour avancer. Je ne connais pas votre histoire, et je ne vous demande pas de me la raconter, mais… Ce que font les militaires, les camarades que vous avez perdus… Vous devez continuer à vivre.

Continuer à vivre… Pour un temps, seulement. Juste le temps qu’il atteigne son but et venge Oscar. Car vivre dans un monde rempli de guerre, de meurtres, de manipulation et de torture, très peu pour lui. Si c’était cela, la vie, il préférait se jeter dans les bras de la mort. Il réfléchit à son idée, en s’efforçant d’être objectif, si c’était réalisable ou non, ce qu’il pouvait réellement faire, au vu de son âge et de ses capacités. Il avait toujours peur mais il ne voulait pas reculer. Au moins pour Oscar ! Ils avaient le même âge et il était mort… Alexis ne vivait plus depuis qu’avec la tristesse, la colère et un profond sentiment d’injustice.

– Certains professeurs sont des personnes de confiance, comme votre professeur de SVT, de gymnastique, moi, la directrice bien sûr, l’infirmier… Il ne faut pas vous enfermer et vous laisser miner par les militaires. Je ne vous demande pas d’oublier vos proches ou les raisons qui vous donnent envie de mourir, mais transformez-les en force.

C’est bon, elle avait terminé son petit discours ? Il n’avait même pas écouté ce qu’elle avait dit à la fin, préférant se détacher de ce qui pouvait sortir de la bouche des serpents. Si cela l’amusait de perdre son temps à lui « parler », grand bien lui fasse, il n’était pas obligé pour autant de l’écouter, encore moins de prendre en compte ce qu’elle pouvait dire. On en revenait à la confiance, qui se méritait ! Les paroles n’étaient pas suffisantes, à ses yeux, il fallait qu’elles soient suivies d’actes. Dire qu’on aidait dans l’ombre était une solution de facilité, en plus d’être risible.

– Merci, dit-il avec un sourire ironique, je suis ravi d’apprendre que nous avons des professeurs ayant moins de bon sens que les plus jeunes des collégiens. Je n’aurai pas dû poser la question, finalement, dans certains cas, il vaut mieux rester ignorant.

Il haussa vaguement les épaules avec un geste désabusé, se demandant s’il pouvait vomir tout de suite ou s’il devait attendre encore un peu. Il ne savait pas quel sentiment prédominait, entre le dégoût et la colère…

– Et ce sera quand, votre « entraînement » ? Et ensuite, je peux partir ? Sauf si vous avez encore envie de me faire écrire des trucs inutiles que tout le monde sait et ressent déjà, sauf nos professeurs, évidemment. Mais je peux quand même vous faire d’autres paragraphes sur ce qui se dit sur vous et vos collègues, entre élèves, le soir venu, surtout quand on voit des amis disparaître.

Il avait dit cela d’un ton terriblement morne et blasé, trouvant cette discussion stérile et inutile.

– Vous pourriez me virer, ça serait plus simple.
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MessageSujet: Re: Une retenue électrique   Une retenue électrique EmptyMer 24 Juin - 16:08

Alexis – Merci, dit-il avec un sourire ironique, je suis ravi d’apprendre que nous avons des professeurs ayant moins de bon sens que les plus jeunes des collégiens. Je n’aurai pas dû poser la question, finalement, dans certains cas, il vaut mieux rester ignorant.

Céleste poussa un soupir en se redressant, considérant son élève d’un regard pendant qu’il haussait les épaules avec un geste qui voulait en dire long. Il ne croyait plus en rien. Comment les autres professeurs pouvaient-ils rester de marbre face à cela ? C’était pourtant si visible ! Et ils pouvaient aider… Faire quelque chose. Elle travaillait pour améliorer son don, le retrouver, et c’était en partie pour pouvoir aider la directrice au mieux. La jeune professeure savait qu’elle s’était laissé aller, elle l’admettait plus ou moins, mais elle y travaillait. En attendant, elle ignorait ce qu’elle devait faire avec Alexis. Il était dégoûté et en colère et il en avait le droit. Il en avait parfaitement le droit. Tous les élèves du Pensionnat pouvaient leur en vouloir, leur reprocher ce qui arrivait. Leur reprocher les barreaux aux fenêtres, la disparition de leur foyer, les expériences, les militaires… Oui, ils le pouvaient.

Alexis – Et ce sera quand, votre « entraînement » ? Et ensuite, je peux partir ? Sauf si vous avez encore envie de me faire écrire des trucs inutiles que tout le monde sait et ressent déjà, sauf nos professeurs, évidemment. Mais je peux quand même vous faire d’autres paragraphes sur ce qui se dit sur vous et vos collègues, entre élèves, le soir venu, surtout quand on voit des amis disparaître.

Bien sûr que tout le monde le pensait, bien sûr que tout le monde le ressentait. Mais elle le savait déjà, seulement, le dire sans se distinguer de la masse n’était pas bénéfique. Ici, la feuille qu’elle tenait en main représentait les pensées de l’élève qui se trouvait face à elle, avec ses mots, ce qu’il voulait dire et illustrer. Ils tournaient en rond avec cette discussion, mais s’il réfléchissait au moins un peu à ce que Céleste lui avait dit, c’était déjà cela. Comme Cyprien le faisait avec elle, il fallait y aller petit à petit et ne pas brusquer les choses si elle voulait vraiment gagner la confiance d’Alexis. Il avait besoin d’un suivi et d’un appui, d’une surveillance constante pour éviter de faire une bêtise et de, effectivement, se blesser à cause de son don. S’il maniait l’eau, elle n’aurait pas eu peur à ce point, mais avec la foudre, le feu, ou même le vent…

Alexis – Vous pourriez me virer, ça serait plus simple.

Céleste – Pour la dernière fois, non, je ne vous virerai pas. Je n’en ai pas le pouvoir et personne ne le fera.

Céleste s’assit à nouveau contre le bord du banc en face d’Alexis, regardant toujours son élève. Il était hors de question qu’ils le virent, il étudiait sérieusement et n’avait qu’une mauvaise passe comme la plupart des élèves du Pensionnat. Il n’avait plus qu’une semaine et demie à tenir avant d’être en vacances. Elle savait, bien sûr, que l’école risquait de connaître une énorme vague de désinscriptions à la rentrée, mais il était inutile d’appuyer là-dessus pour l’instant. C’était sans doute plus prudent, qui plus est… Cependant, cet élève risquait autant, voire plus, s’il ne revenait pas à l’école. Céleste ne pouvait ignorer son état psychologique, il fallait faire quelque chose. Et avant qu’il ne rentre chez lui. Avertir ses parents serait déjà un début, ils s’occuperaient de lui, veilleraient sur lui pendant les deux mois de vacances et, peut-être, feraient partie de ceux qui changeraient leur enfant d’école.

Céleste – Vous vous rendrez dans la salle d’entraînement tous les lundis, mercredis et vendredis à 18h précises. Là, je vous donnerai des exercices à faire jusqu’au dîner dans un premier temps étant donné que les examens approchent. Bien entendu, votre présence est obligatoire, sinon je viendrai vous chercher moi-même. Et croyez-moi, je le ferai. Si vous préférez amener quelqu’un en qui vous avez confiance avec vous, je n’y vois pas d’inconvénients.

Céleste fit une pause, jetant un œil à l’heure qu’il était. Trop tard pour commencer quoi que ce soit d’autre aujourd’hui, autant lui laisser le temps de digérer tout cela à tête reposée pour le retrouver dans deux jours sans faute. Il pouvait bien la haïr, la détester, la traiter de tous les noms, cela lui était égal. Il représentait un danger pour lui-même plus que pour les autres et c’était ici la seule manière de veiller sur lui en attendant qu’il ne rentre. Avec les examens, il serait occupé… Du moins, elle l’espérait. Céleste se redressa, fit le tour du banc pour se rasseoir à son bureau, rassemblant les copies étalées pour tout ranger avant de partir manger.

Céleste – Si vous n’avez pas de question, vous pouvez y aller. Il est trop tard pour commencer quoi que ce soit d’autre maintenant. Je vous attends donc vendredi, à la même heure, dans la salle d’entraînement.
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