Avril 1932. Les soucis mondiaux s'étendent.
 
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 [Cours - OS] Monument aux morts

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Âge RPG : 14 ans
Don(s) : Aquamancienne et Aéoromancienne
Taille : 1m60
Laura K. Nakajima

Laura K. Nakajima
MessageSujet: [Cours - OS] Monument aux morts   [Cours - OS] Monument aux morts EmptyMer 21 Aoû - 19:10

Emma – Laura ! Lève-toi, on va être en retard !

Mh ? Oh, mais oui, le cours d’histoire ! Laura se frotta les yeux, bailla à s’en décrocher la mâchoire et sauta de son lit en chancelant brièvement. Elle ne voulait, en aucun cas, louper le cours de Madame Martin. Enfin, Chevreuil… Oh, peu importe, le cours d’Histoire, quoi. Elle enfila son uniforme en vitesse, se démêla les cheveux à grand peine et se les attacha pour ne pas être dérangée. Elle aimait bien les longs cheveux, elle voulait avoir des cheveux de princesse, oui, mais elle n’avait pas envie de les manger lorsqu’elle écrirait ce que la professeure allait dire. Et puis, le plus important était qu’ils allaient enfin voir son bébé. Son bébé ! Un petit bout, mignon comme tout, avec de petites mains roses et tout ! Un enfant, quoi ! De quoi donner envie d’aller au cours, non ? Et puis, Laura était jeune, elle n’avait jamais vu de bébé d’aussi près. Jasper lui avait tout expliqué le jour de l’accouchement de leur professeure, ne lui laissant aucune question sans réponse. Bon, sur le moment, c’est horrible, ça c’est clair. Mais elle comprenait bien mieux les choses maintenant que son grand frère avait pris le temps de tout lui expliquer.

Elles descendirent donc en trombe des dortoirs pour rejoindre la classe d’histoire-géographie. Pas le temps de manger, elles s’étaient levées un tout petit peu trop tard pour cela et Laura n’avait pas faim pour le moment. Elle emporta simplement quelques biscuits avec elle pour grignoter au cas où, mais elle ne voulait pas perdre une minute de plus. Voir le bébé et Madame Martin, elle voulait ça et rien que ça ! Bon, d’accord, il y avait le cours aussi, mais c’était secondaire pour le moment.  Elles arrivèrent à temps dans la salle, un peu avant la professeure même. Parfait ! Laura s’installa, fit un simple signe de la main à son frère qu’elle avait repéré au loin et attendit. Attendit. Attendit. Et fondit. Le bébé. Le bébé, il était là ! Et il était siiii mignon ! Avec ses petites joues roses, sa petite poussette… Toutes les filles étaient dans le même cas que Laura, même si cette dernière essayait de se contenir un minimum quand même pour ne pas réveiller le bébé qui dormait. La professeure leur fit signe de s’asseoir après les avoir salués puis dit :

Madame Martin – Bien, les jeunes. Comme vous le savez, ce cours-ci sera un peu particulier. Savez-vous ce qui est le plus important à préserver ?

Le plus important à préserver ? Heu… La jeunesse ? Le savoir ? La bonne humeur ? Laura n’osait pas répondre, préférant rester muette cette fois-ci. Une autre élève, Amélie, leva la main pour prendre la parole dès que la professeure la lui eut donnée.

Amélie – Heu, la Mémoire, non ? Mon grand-père dit toujours ça.

Madame Martin – C'est tout à fait exact. La Mémoire, voilà ce que nous devons respecter et préserver. Pour ne pas commettre les mêmes erreurs, et respecter ceux qui ont sacrifiés leur liberté et leurs vies pour la paix. Le thème sera aujourd'hui la Grande Guerre. Vos parents, vos grands-parents ont pu y participer. Moi-même et vos professeurs, nous avions votre âge.

La Grande Guerre… Laura n’en savait pas énormément là-dessus, sauf ce qu’elle avait lu dans les livres. Son père n’en avait parlé qu’à Jasper, pour qui il voulait le même destin que le sien, mais sa mère évitait de penser à cette histoire. Elle était née pendant la Grande Guerre, savait que son frère veillait sur elle pour éviter qu’elle ne soit blessée, mais autrement… En somme, elle ne connaissait que quelques anecdotes là-dessus, rien de plus. Ce cours allait donc être très intéressant, bien que cette période de l’Histoire affectait beaucoup Laura. Bah, se pencher un peu plus sur son passé n’allait pas la tuer, n’est-ce pas ?

Madame Martin – Lors de cet atelier, vous allez devoir réaliser plusieurs objectifs avant de parvenir à votre but. Vous allez pour cela vous rendre à Gray. Je vais vous distribuer à chacun un plan de la ville.

Un… Plan ? Ils allaient devoir s’orienter tout seul ? Sans personne ? Et si jamais ils se perdaient ? Laura jeta un œil au plan que la professeure lui donna, essayant déjà de regarder par où ils allaient arriver. Ils partirent tous pour Gray, puis furent libérés. Chacun de son côté, ils devaient simplement trouver des informations sur la Grande Guerre. Où aller ? Le musée ? Laura n’avait pas envie d’aller s’enfermer dans un musée, surtout que… Non. Elle marcha un peu au hasard, s’écartant des autres par la même occasion, et arriva devant un énorme monument représentant un homme couché, fermant les yeux, et une femme avec un genre de chapeau d’infirmière. Elle tendait la main vers un point que Laura ne pouvait pas voir, son visage exprimant une douleur indescriptible. Touchée, la jeune fille porta son regard sur l’inscription gravée en-dessous de cette sculpture. « Aux morts de la Grande Guerre – 1914-1918 ». En-dessous, des centaines de noms, gravés en lettres d’or. Oh…

Voix – Une petite fille qui s’intéresse à la Grande Guerre ? C’est rare.

Laura sursauta, se retournant, regardant à droite et à gauche. Il n’y avait personne. Mais elle avait pourtant très bien entendu ces paroles, elle n’avait pas rêvé ! Peut-être n’aurait-elle pas dû s’éloigner des autres, peut-être que chercher des informations au Musée aurait été beaucoup plus simple, beaucoup plus intelligent… Il n’était peut-être pas trop tard ? Apeurée, Laura décida de rebrousser chemin mais à peine eut-elle fait un pas que…

Voix – Attends, ne pars pas ! Je n’ai jamais de visite !

Laura – Qui a dit ça ? Montrez-vous !

C’est alors que, sous ses yeux, une masse blanche, presque transparente mais facilement identifiable se matérialisa sous ses yeux. Un fantôme, en habits de guerre. Un... Mais c’était impossible ! La jeune fille fit un bond en arrière, se heurtant et tombant à terre mais se relevant sans quitter le fantôme qui se tenait devant elle. Il avait, par réflexe, esquissé un geste pour la rattraper mais n’avait rien pu faire. Gêné, il lui répondit :

Fantôme – Je suis désolé ! Je ne voulais pas te faire peur !

Laura – Mais vous êtes…

Fantôme – Mort, oui. Je suis un Poilu.

Laura ouvrit grand les yeux, n’y croyant pas. Elle avait un vrai Poilu devant ses yeux ? Elle ne rêvait donc pas ? Secouant la tête, elle ferma les yeux quelques secondes, se pinça et grimaça sous l’effet de la douleur. Elle ne rêvait pas, non. Ce fantôme se tenait bel et bien devant elle… Et il était… jeune. Maintenant que le choc passait peu à peu, Laura le détaillait. Il était dans un sale état, plein de boue, du sang apparemment, un uniforme. Elle ne pouvait nier l’évidence, il s’agissait bien d’un fantôme, d’un Poilu, et il était devant elle. Mais pourquoi était-il ici ? Elle l’avait peut-être dérangé en venant ici ? Gênée à son tour, Laura lui dit :

Laura – Je suis désolée… Je ne voulais pas vous déranger, je vais vous laisser tranquille.

Fantôme – Mais non, reste ! S’il te plaît ! Je ne voulais pas te chasser, c’est juste que j’ai été étonné de voir quelqu’un de ton âge ici.

Laura – C’est que… Notre professeure nous a donné un devoir sur la Grande Guerre et je… comme je ne connais que quelques « anecdotes » racontées par mes parents, je voulais me renseigner sur place.

Fantôme – Des renseignements sur la guerre ? Mais je l’ai vécue, moi, je peux très bien t’en donner et te raconter mon histoire !

Laura – Vous feriez ça ? Vraiment ? Mais pourquoi ?

Fantôme – Tu me rappelles ma fille… Ma femme a accouché un peu avant mon départ à la guerre, je n’ai donc vécu qu’un an avec notre fille.

Laura – Je… Je suis désolée…

Fantôme – Oh, non, ne le sois pas. Je me suis battu pour elle, le prix en valait la chandelle. Allez, installe-toi, je vais te raconter.

Cet homme était mort si jeune, et il était si gentil. Il avait perdu sa fille, sa femme, tout cela pour sauver la France et ses habitants. Laura ignorait si Madame Martin allait accepter ce devoir, mais elle voulait essayer. Et puis, de toute manière, elle voulait connaitre l’histoire de cet homme, elle voulait apprendre ce qu’ils avaient vécu, et non pas se contenter de simples anecdotes racontées par ses parents bien protégés. Elle s’installa donc aux pieds du fantôme, jambes croisées, et tendit l’oreille pour ne rien louper.

Fantôme – Je m’appelle Denis Lacroix, j’avais trente ans lorsque la guerre a commencé. Une petite fille d’un an, comme je te l’ai dit. Nous venions de nous marier, ma femme et moi, et commencions à croire en l’avenir, elle avait décroché un petit boulot qui payait convenablement, et moi… Je travaillais comme ouvrier. Oh, rien d’exceptionnel tu vas me dire, mais ça nous suffisait. Et puis, une fois que tu as un enfant, ton premier, tout te semble si loin, si futile que… Je pensais que tout le reste était secondaire.

Il s’arrêta, son regard porté au loin comme s’il ne la voyait plus. Il semblait triste et heureux à la fois, comme si évoquer tout cela était douloureux mais bienveillant en même temps. Laura aurait pu jurer qu’il racontait sa vie actuelle, qu’il n’était pas mort. Pour elle, son métier ne rapportait pas beaucoup et pourtant, il était heureux. Il avait été bien plus heureux qu’eux, et leur fille aurait été aimée par deux parents qui auraient tout fait pour qu’elle ne manque de rien. Elle se tut, respectant le silence dont avait besoin le fantôme.

Fantôme – Puis vint l’ordre, un beau jour alors que je partais travailler. Ils avaient besoin de tous les hommes en âge de se battre… Marie et moi, on s’y attendait. On craignait tous les deux, ce jour, on avait peur d’être séparés alors que notre fille venait de naître. Je ne voulais pas y aller… Mais je me suis dit que c’était mon devoir, en tant que Français et en tant que père. Je voulais assurer un avenir à ma fille, je voulais qu’elle soit libre, qu’elle ne connaisse pas la peur qui nous rongeait tous les jours, la peur de voir des Allemands débarquer, la peur de voir que tout était fini mais… Perdu. Alors, j’ai accepté. J’ai fait mon sac et je suis parti, une semaine après avoir reçu l’ordre. Mais j’ignorais, à ce moment, que cela serait la dernière fois que je verrais ma femme et ma fille…

Laura sentait la douleur dans ses paroles, elle vivait presque la scène. Elle imaginait sans peine ce que cela avait dû être, et pas seulement pour cet homme mais aussi pour des milliers d’autres soldats. Arrachés à leur famille alors qu’ils étaient en train de la fonder, arrachés à leurs rêves alors qu’ils commençaient à les réaliser…

Fantôme – Je n’ai pas arrêté de penser à elles. Elles étaient ma raison de vivre, ma seule motivation. Tous les jours, nous étions trainés dans la boue, tapis dans des tranchées à prier pour qu’aucun obus ne nous tombe dessus, pour rester en vie rien qu’un jour de plus dans l’espoir de recevoir des lettres de nos proches, dans l’espoir de tenir jusqu’à une suspension d’ordre pour aller les voir. La première semaine, nous étions tous optimistes, nous nous encouragions mutuellement, pensions que les choses n’allaient pas durer des années. Mais après…

Laura sentait sa gorge se serrer au fur et à mesure que le fantôme lui racontait son histoire. Elle la vivait presque avec lui, partagée entre le dégoût, la peine et la colère. Sans oublier la honte lorsqu’elle pensait au milieu duquel elle venait…

Fantôme – Plus le temps passait, plus la certitude de ne jamais revoir nos familles se faisait sentir. Nous n’étions même plus dégoûtés par la saleté dans laquelle nous trainions, nous mangions avec nos mains pleines de boue, nous marchions la nuit dans des chemins boueux, défoncés, pendant des heures pour trouver l’endroit où nous devions nous arrêter. Nous restions couchés, tout le temps, pour éviter les balles, les obus, les projectiles. Ce n’était plus dans l’espoir de revoir nos familles, mais dans l’espoir de leur assurer un avenir sans guerre. Ce souhait était renforcé par le dégoût de cette boucherie, par l’angoisse que l’on ne peut éviter quand on entend un ami mourir. Tu sais, c’est dans ces situations-là que des liens se développent, que tu rencontres des gens merveilleux. C’était un peu notre manière de nous remonter le moral, de nous soutenir, de ne pas démoraliser alors que nos chefs étaient bien à l’abri de tout cela, pendant que nous, nous risquions notre vie.

Et ces chefs, Laura les connaissait… Elle sentit une vague de honte l’envahir, remarquant ce que son père avait fait. Oui, elle avait été soulagée de voir qu’elle avait toujours son père lorsqu’elle avait appris que certains de ses amis avaient perdu le leur pendant la Guerre. Mais ici… Ce n’était plus un soulagement, mais de la honte. De la tristesse. De la compassion. Elle se mordit les lèvres, son regard se portant sur les noms inscrits sur le monument. Tous ces noms… Et combien de pères ? De mères ? D’enfants ?

Fantôme – Cela a duré des semaines et des semaines, pour moi. Jusqu’au jour où… Ce qui devait arriver arriva. Un obus… Malheureusement, ou heureusement peut-être, je n’étais pas assez loin de l’endroit où il devait chuter et j’ai reçu de nombreux éclats un peu partout dans le corps. J’aurais pu survivre, mais personne ne m’a vu, personne n’a remarqué mon absence, ce qui était normal au fond. Peut-être l’ont-ils vu, mais c’était trop dangereux, ils n’ont pas pu venir me chercher. J’ai tenu des heures, ou peut-être des jours, je l’ignore. Le ciel était tellement sombre pendant la journée que je ne savais pas me repérer. J’ai tenu pour ma fille, pour ma femme, mais… Je n’en pouvais plus. Cet obus, je me l’étais pris en poussant un ami plus loin, pour ne pas qu’il se le prenne. Alors, à défaut d’avoir vu la fin de la guerre, j’ai au moins pu sauver quelqu’un qui avait une famille. J’avais fait mon devoir, même si je me suis sacrifié.

Le fantôme se tut, son histoire était terminée. Laura le remercia, lui disant qu’elle n’allait jamais oublier tout cela, que cette histoire resterait à jamais gravée dans sa mémoire et qu’elle avait pu avoir une autre version bien plus importante à ses yeux que les maigres anecdotes racontées par son père et sa mère. Il finit par s’en aller alors qu’elle s’installa près du Monument pour écrire, commencer son devoir tant que tout cela était bien frais dans sa tête. Elle préférait rester à l’écart pour l’instant.
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