Avril 1932. Les soucis mondiaux s'étendent.
 
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 Parlons travail

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Kimmitsu Nakajima
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Kimmitsu Nakajima
MessageSujet: Parlons travail   Parlons travail EmptyLun 28 Sep - 20:07

Sa mère l'avait enfin dit, lors du repas du matin, bien clairement, devant tout le monde, d'un ton laissant sous-entendre qu'elle n'avait toujours pas digéré cet état de fait. "Il était très grand temps que tu te maries, mon garçon, je désespérais. Tu as pris la plus mauvaise habitude de la société Française." Kimmitsu s'attendait à ce qu'elle le lui dise, à un moment ou un autre, mais pas en plein repas, devant tout le monde, devant Solène qui ignorait leurs coutumes sur les relations maritales et n'avait dû comprendre pourquoi une telle gêne était survenue. Tout le monde avait cessé de parler, alors que la mère de famille avait calmement posé ses baguettes sur la table en lui disant qu'il avait manqué de déshonorer toute leur famille, en étant toujours célibataire à quarante-deux ans, que feu son père aurait honte. Le repas avait ensuite continué comme si de rien n'était, alors que Kimmitsu était rouge de honte et que Solène ne savait pas non plus où se mettre. Mais elle n'y était pour rien et Himako, assise près d'elle, le lui avait murmuré, à voix très basse, avant la fin du repas.

Dans leur pays, les mariages étaient des alliances convenues pour des raisons pratiques, sur des critères précis et nombreux, très rarement pour une histoire d'amour. Et un enfant, fille ou garçon, toujours célibataire à ses vingt-cinq ans, cela ne se faisait pas, voilà tout. L'opprobre était jetée sur toute la famille, qui avait échoué à trouver un bon parti à l'enfant si celui-ci traînait à convenir d'une union. Kimmitsu n'avait jusqu'ici échappé à la pression que parce qu'il était parti en France, à vingt-trois ans, juste au moment où sa famille commençait à lui chercher une épouse. Il avait voulu voir le monde, s'épanouir ailleurs, se construire, voulant découvrir autre chose. Le temps avait filé, il n'avait jamais pris femme, et sa mère lui faisait bien comprendre à quel point elle était en colère sur le sujet. Il avait terminé le repas avec un peu de peine, bien droit et raide, sachant très bien ce que sa famille pensait de ça. Oui, il avait vingt ans de retard, oui, c'était honteux, oui, il avait manqué aux règles de son pays natal concernant le mariage, les oubliant même. La France n'était pas aussi rigide sur le sujet, les mariages étaient d'amour et non réalisés pour des raisons purement pratiques. Deux cultures très différentes et sa mère lui reprochait d'avoir pris cet aspect de son pays d'adoption.

Il s'était éclipsé à la fin du repas avec Solène pour tout lui expliquer, qu'elle ne soit pas gênée alors que personne ne lui reprochait quoi que ce soit, bien au contraire. Elle était toute jeune mais déjà prête à assumer un rôle de femme et de mère, c'était tout à son honneur. La cérémonie aura lieu le surlendemain mais les invités commençaient déjà à arriver. La directrice devait venir aussi, seule représentante de la famille de Solène, avec ses enfants. Il lui avait brièvement parlé au téléphone et elle lui avait raconté le mois de juillet un peu particulier qu'avait traversé la France. Il en était resté bouche bée de longues minutes, choqué, sans comprendre comment Sarah avait pu en arriver à une telle chose. Elle n'était pas un exemple de calme mais tout de même, devenir folle à ce point... Gabriella arriva dans la soirée chez eux et il la présenta à sa famille, après que Solène ait couru à travers la pièce pour lui sauter au cou. Ses enfants avaient l'air très bien portants, vifs et rigoureux, mais leur mère présentait un teint pâle et les traits tirés, elle avait un peu maigri mais son regard était plus acéré qu'auparavant. Après un tel mois de juillet... Solène avait pris le couffin où étaient couchés les jumeaux, un grand sourire aux lèvres, avant de le poser près de la table, attendrie comme jamais.

– Vous allez bien ? demanda-t-il en se rasseyant près de ses frères. Si vous sortez de l'hôpital...

– Ça va, merci, je ne suis pas non plus tombée dans le coma.

Non, mais elle aurait très bien pu y laisser la vie, à déployer ainsi son élément si longtemps... Il servit du thé, voyant du coin de l'œil son aîné arborer un air un peu choqué et distant. Pour être honnête, Kimmitsu craignait les clashs entre eux deux, étant donné leurs caractères respectifs. Il ne dit rien, cependant, se contentant de servir le thé pendant que Solène et deux de leurs sœurs s'extasiaient sur les deux bébés, qui souriaient à tout le monde.

– Tu sais que Jasper avait des problèmes avec son père, non ?

– Si.

– Lui et sa sœur vont être retirés de la garde de leurs parents. Pour le moment, je suis leur tutrice officielle, mais étant donné la situation... Je leur cherche un tuteur pour les accueillir et j'ai songé à toi.

Lui ? Il releva la tête, renversant un peu de thé sur la table au passage, alors que ses frères manquaient de s'étouffer. Elle pensait qu'il pourrait accueillir les deux petits ? Il avait la bouche entrouverte, complètement pris de court et assez choqué. Il... Il lui rendit son regard, ne sachant pas tout de suite comment réagir, reposant la théière avant qu'il n'y ait plus de dégâts. Il prit une serviette pour essuyer, hésitant, se demandant d'abord pourquoi elle avait pensé à lui. Il n'avait jamais eu d'enfants ! Comment s'occupait-on de deux adolescents ? Soit, il les connaissait, mais il ne savait pas trop, il les avait toujours vu en tant qu'élèves, au pensionnat. Il observa sa supérieure hiérarchique, notant son teint très pâle, réfléchissant. Il est vrai qu'elle avait déjà bien assez de travail pour avoir en plus deux enfants de cet âge à s'occuper. Mais il se demandait s'il serait capable de ça, de gérer des enfants ainsi. Etre tuteur était une grosse responsabilité, après tout, cela revenait à adopter des enfants, c'est différent que de s'occuper d'un neveu ou une nièce, au quotidien. Il s'appuya contre le mur, derrière lui, soufflant un peu sur le thé pour le refroidir.

– Pourquoi avez-vous pensé à moi ?

– Parce que je te fais confiance. Tu es des rares à ne pas avoir abandonné ni à t'être enfui, quand toute cette histoire a commencé. C'est d'une personne fiable dont j'ai besoin, pour eux deux, je ne veux pas les confier à n'importe qui. Mais tu n'es pas obligé d'accepter.

Il fut assez touché, qu'elle lui dise cela était une grande marque de confiance. Il faisait juste de son mieux, pour l'assister et la soutenir, réprouvant la lâcheté de la plupart de leurs collègues. Il réfléchit un instant, songeant à la vie qu'il menait en France, la maison où elle vivait, ce qui allait changer avec Solène, Genji et les deux Karinof. Il ne s'attendait pas du tout à ce genre de demande, lors d'une soirée chez lui, au Japon, à deux jours de son mariage. Ce n'est qu'au bout d'un long silence q'il finit par redresser la tête et accepter, sans tenir compte des airs qu'affichaient sa famille, entre perplexité, suspicion ou méfiance. Il savait très bien qu'il n'y avait pas d'arnaques mais savait d'où venait le problème. Gabriella-sama n'affichait guère un air très... aimable, pourront-on dire, bien au contraire. Lorsqu'on la rencontrait pour la première fois, la méfiance était souvent de mise. On pouvait sentir qu'elle était d'un naturel froid et direct. Et lorsqu'on la comparait à Solène... Elle le remercia, semblant assez soulagée.

– Et pour l'armée ? reprit-il en buvant un peu de thé. Il y a eu des changements ?

– J'ai demandé une réunion à la mi-août pour parler des Guetteurs et en prendre le contrôle, si je peux. Les élèves doivent pouvoir s'entraîner sans prendre de risques. A la rentrée, je mettrai aussi les choses au point pour nos collègues. Rochard a continué ses expériences, tu sais. Tu aurais dû me laisser le liquider, la dernière fois.

– Je le regrette aujourd'hui, affirma-t-il d'un ton soudain bien plus sombre.

Sa mère, qui avait entendu, ouvrit grand la bouche en lui jetant un regard très choqué mais il n'y prit pas garde. Oui, c'était horrible à dire, mais pour le coup, il éprouvait une telle haine envers ce type qu'il regrettait très sincèrement qu'il ne soit pas mort, il regrettait si fort ne pas l'avoir laissée achever cet homme. Ils auraient pu le jeter dehors pour finir le travail. Il serra le poing sur la table, son autre main crispée sur sa tasse. Il revoyait encore ce type immonde penché sur lui, le torturer, glisser ses mains odieuses sur son corps.

– Comment avez-vous pu déployer ce pouvoir sur tout le pays, si longtemps ? demanda-t-il ensuite. Vous auriez pu vous tuer... Deux semaines à l'hôpital, c'est peur cher payé pour ce que vous avez fait.
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Gabriella de Lizeux
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Gabriella de Lizeux
MessageSujet: Re: Parlons travail   Parlons travail EmptyMer 30 Sep - 16:42

Gabriella avait à peine eu le temps de déposer ses enfants lorsque Solène courut pour venir se jeter à son cou, comme si elle était heureuse de la voir. La jeune mère la réceptionna, surprise, la trouvant en forme et toujours aussi enthousiaste. Elle la relâcha après un court instant, alors que Kimmitsu la présentait à sa famille. Elle les salua, essayant de sourire mais sans aucun succès. Elle était assez fatiguée, autant par le voyage que par son hospitalisation forcée. Elle ne s’était plus servi de son don depuis deux semaines, l’ayant trop fait auparavant. Sa petite sœur avait pris les bébés pour les présenter eux aussi, avec son sourire habituel, même si Gaby avait d’abord eu un geste pour la retenir, appréciant très peu depuis l’enlèvement de voir des inconnus toucher ses enfants. Enfin, il s‘agissait de la famille de Kimmitsu… Elle suivit ce dernier près de quelques autres personnes, installés autour d’une table basse, en tailleur, à prendre le thé. Elle avait comme l’impression de ne pas être la bienvenue, selon les regards qu’on lui lançait… Venir à l’autre bout du monde ne changeait donc rien ? Elle s’assit près de son collègue, toujours sans le moindre sourire.

– Vous allez bien ? demanda-t-il en se rasseyant près de ses frères. Si vous sortez de l'hôpital...

– Ça va, merci, je ne suis pas non plus tombée dans le coma.

Soit, elle avait bien failli, mais c’était un détail très accessoire. Elle jeta un long regard à Solène et ses enfants pendant que le sous-directeur servait du thé. Il fallait les protéger. Pas seulement les siens, mais aussi ceux qui étaient sous la protection de l’école, le temps de leurs études. Elle tourna à nouveau la tête vers son collègue, le remerciant pour le thé. Elle devait lui parler des enfants du général, de l’école et d’autres choses, qu’elle devait voir avec lui. Elle avait commencé à préparer la rentrée, mais surtout la réunion qu’elle avait demandée, pour parler des Guetteurs. Il n’était plus question que les élèves cessent de s’entraîner correctement, par crainte de s’attitrer des ennuis. Chacun d’entre eux devait pouvoir donner son maximum. Mais pour le moment, elle devait d’abord aborder le sujet de la garde de Jasper et Laura. Elle en savait pas si Kimmitsu pouvait accepter ou non, mais elle devait lui demander. S’il refusait, elle avait encore d’autres personnes vers qui se tourner.

– Tu sais que Jasper avait des problèmes avec son père, non ?

– Si.

– Lui et sa sœur vont être retirés de la garde de leurs parents. Pour le moment, je suis leur tutrice officielle, mais étant donné la situation... Je leur cherche un tuteur pour les accueillir et j'ai songé à toi.

Sa déclaration faillit bien faire s’étouffer tous ceux qui se trouvaient à moins de deux mètres, même Kimmitsu qui s’étrangla avec la gorgée qu’il venait de prendre. Pourtant, il devrait comprendre aussitôt pourquoi elle se tournait vers lui ! N’est-ce pas ? Il était l’un des rares à qui elle confierait sa vie sans hésiter une seule seconde, elle lui faisait entièrement confiance. Il se pencha pour prendre une serviette et essuyer ce qu’il avait renversé, sans répondre tout de suite. Gabriella ne rajouta rien non plus, croisant le regard d’un de ses frères, choqué lui aussi. Elle but une petite gorgée de thé, surveillant ses enfants du coin de l’œil, surtout Julien qui n’était pas au mieux de sa forme. Il se réveillait beaucoup plus, la nuit, alors qu’il dormait bien auparavant, en criant et en pleurant, faisant sans doute plus de cauchemars à cause de l‘autre folle. Kimmitsu semblait réfléchir, appuyé contre le mur derrière eux. Il n’était pas obligé de dire oui, c’était une simple demande, elle refusait de confier ces gamins à n’importe qui, d’autant plus avec les évolutions respectives de leurs dons. Ils étaient déjà sous tension et malades, inutile d’en rajouter en les plaçant dans un foyer où ils seront mal à l’aise ou incompris.

– Pourquoi avez-vous pensé à moi ?

Il lui posait vraiment la question … ? Enfin soit. Elle reposa le gobelet sur la table en bois sombre, reportant le regard sur lui ensuite, ses yeux clairs et bleus dépourvus de la moindre trace d’humour. Elle était on ne peut plus sérieuse en lui demandant un tel service.

– Parce que je te fais confiance. Tu es des rares à ne pas avoir abandonné ni à t'être enfui, quand toute cette histoire a commencé. C'est d'une personne fiable dont j'ai besoin, pour eux deux, je ne veux pas les confier à n'importe qui. Mais tu n'es pas obligé d'accepter.

Il réfléchit encore un moment puis accepta finalement. Elle le remercia, soulagée d’avoir au moins ou régler ça. Il ne restera plus qu’à signer les derniers papiers du dossier puis à donner le tout au service social de l’enfance. Etant donné l’âge de Jasper, il aurait pu être émancipé tout court et vivre seul, comme il l’entendait, mais il était préférable de ne pas le séparer de sa sœur pour le moment. Il attendra ses vingt-et-un ans pour avoir sa majorité, comme tout un chacun. Parfait, un problème de moins. Elle but une gorgée plus longue, assise en tailleur. E cet instant, elle pensait à tout sauf au mariage de sa petite sœur, emportée par le flot courant des affaires à régler. Son souci principal était la réunion qui approchait. Elle préparait son argumentaire, songeait aux remarques et oppositions qu’elle allait recevoir, réfléchissant à ce que le maréchal pourrait trouver à dire, ainsi que les généraux qui étaient contre elle. Derrar sera sûrement un soutien précieux, pour elle. Elle porta le thé à ses lèvres, les yeux dans le vague.

– Et pour l'armée ? reprit-il en buvant un peu de thé. Il y a eu des changements ?

Elle hocha la tête, sentant la chaleur de la boisson passer à sa main. Elle ne cessait de jeter des regards à ses enfants, ayant beaucoup de mal à les lâcher des yeux, même si elle faisait confiance à Solène pour les garder. Ce qui lui faisait songer qu’elle devra lui parler, un peu plus tard, pour s’assurer qu’elle ne s’approche pas de l’armée, une fois rentrée au village et qu’elle veille à en s’attirer aucun ennui, il n’était pas exclu que l’on tente de s’en prendre à elle, de l’utiliser comme moyen de pression ou comme otage.

– J'ai demandé une réunion à la mi-août pour parler des Guetteurs et en prendre le contrôle, si je peux. Les élèves doivent pouvoir s'entraîner sans prendre de risques. A la rentrée, je mettrai aussi les choses au point pour nos collègues. Rochard a continué ses expériences, tu sais. Tu aurais dû me laisser le liquider, la dernière fois.

– Je le regrette aujourd'hui, affirma-t-il d'un ton soudain bien plus sombre.

Tiens ? Tant mieux, dans ce cas, il ne tentera pas de la retenir la prochaine fois. Elle soupira un peu, fermant les yeux un bref instant. Le commandant Alric devait avoir des informations supplémentaires, maintenant qu’il était bien intégré au nouveau programme, elle devra le recontacter assez vite. Elle plissa les yeux en réfléchissant à la tactique qu’elle devra mettre en place, si elle réussissait à obtenir le contrôle des Guetteurs. Trouver un moyen de renverser la situation pour reprendre l’avantage. Etant donné les changements apportés à l’école… Hum, quelques professeurs étaient encore prêts à agir, elle pourrait s’aider d’une petite équipe, parmi eux, c’était à réfléchir. Alice accepterait-elle d’en faire parti ? Elle disposait d’un excellent potentiel, mais était encore en retrait.

– Comment avez-vous pu déployer ce pouvoir sur tout le pays, si longtemps ? demanda-t-il ensuite. Vous auriez pu vous tuer... Deux semaines à l'hôpital, c'est peur cher payé pour ce que vous avez fait.

– Je le sais, soupira-t-elle. Une ou deux journées de plus auraient suffi à me tuer, je pense, mais je n’avais aucun autre moyen, le temps était compté. Tu manies l’élément vent, toi aussi, tu sais comment ça fonctionne. En étendant mon élément sur le pays, il a suffit que Sarah utilise une seule fois son don pour qu’il percute le mien et que je puisse la localiser. Je devais agir avant qu’elle ne se décide à tuer mon fils. Même si j’étais morte, il aurait vécu, donc ce n’était pas si grave.

Kimmitsu leva les yeux au ciel, reposant son gobelet sur la table en lui jetant un regard aigu. Et bien ? Elle lui rendit son regard, se demandant ce qu’il allait ajouter. C’était du passé, maintenant, Julien allait bien et elle aussi, il n’y avait plus rien à dire sur cette histoire et aller de l’avant.

– Pas si grave ? Bien au contraire. C’est sur vous que comptent une grande partie de la population Française, les gens ont besoin d’une personne représentant leurs espoirs, une personne qui se bat avec eux. Vous devez faire plus attention, surtout si l’armée a terminé les travaux dans l’école. Et vous avez déjà manqué d’y passer plusieurs fois. A force de trop tirer sur la corde…

– Kimmitsu, on joue tous avec notre vie depuis le début, le coupa-t-elle. Toi, moi, tous ceux qui ne veulent pas laisser tomber. Je fais autant attention que le peux mais il y a des risques à prendre pour avancer. D’ailleurs, toi, tu n’as pas dit si tu te sentais mieux.

– C’est bon, j’ai… avancé, de ce côté-là.

Il avait jeté un regard en biais à ses frères et légèrement rougi. Elle haussa un peu les sourcils, sans comprendre. Il avait pu parler à sa famille de ce qui s’était passé ? Elle n’insista pas, se contentant de finir son thé en silence. Silence qui s’installa plus profondément, personne ne parlait, autour de la table, ni elle ni la famille de son collègue. Les seuls bruits venaient du reste de la famille, autour des bébés qui passaient de bras en bras avec grands sourires attendris. Bon, essayer de revenir à des sujets un peu plus joyeux, ou du moins plus bateaux. Elle n’allait quand même pas lui parler de guerre, encore et toujours, devant sa famille.

– Rochard continue ses expériences, c’est certain ? On ne peut rien y faire ?

– Je n’ai pas les moyens de faire stopper ça, seul le maréchal pourrait l’ordonner.

Il poussa un juron entre ses dents, ce qui surprit assez Gabriella car elle ne l’avait jamais vu perdre son sang-froid, encore moins se mettre en colère. Il était toujours si posé, d’habitude, mais c’était un sujet encore très sensible. Elle lui jeta un coup d’œil, le voyant serrer son verre entre ses mains, tête baissée, le regard dans le vague. Il devait sans doute repenser à son agression.

– Tu n’aurais rien pu faire, tu sais, murmura-t-elle doucement.

– Merci d’être venu m’aider.

Mais ça, c’était normal. Elle eut un faible sourire, laissant de nouveau le silence s’installer. La mère de son collègue recommençait à la dévisager de façon très insistante, ce qui finit par l’agacer. Gaby s’obligea à n’en rien montrer, cependant, comme si tout allait parfaitement bien.

– Tiens, au fait, dit-elle en lui donnant une grosse enveloppe, tirée de son sac. C’est de la part de nos parents, à Solène et moi. Ils sont trop fatigués pour faire le déplacement jusqu’ici, mais ils vous ont écris et fait un cadeau, je pense.

La mère à Kimmitsu lui demanda tout à coup si elle avait une grande famille. Gaby lui répondit qu’elle avait trois petits frères, en plus de Solène, avec beaucoup d’oncles et tantes, oui. Elle évita d’en dire plus, n’ayant guère envie de s’étaler sur le sujet, surtout au vu des relations assez houleuses qu’elle entretenait avec ses petits frères, qui eux non plus ne la comprenaient pas. Mais la vieille dame demanda pourquoi les frères de Solène n’étaient, eux, pas venus. Gabriella lâcha un léger soupir, lui rendant son regard.

– C’est à cause de moi, je pense. Etant donné le rang social de ma famille, j’aurai dû être femme au foyer, dans les beaux quartiers de Paris à m’occuper de mes enfants et servir de plante verte., aux côtés de mon mari. Surtout en tant que fille aînée. Mais je travaille, je fais partie de l’armée, et comme Solène veut être indépendante, elle aussi, nos frères ne l’acceptent pas. Pour eux, je suis en train de la contaminer, alors qu’on ne se ressemble pas, pourtant, au niveau du caractère.

De très loin, même. Il suffisait de regarder Solène, qui incarnait à elle seule la douceur et la gentillesse.

– Ne fais pas attention, d’ailleurs, si tu les croises un jour, ajouta-t-elle pour Kimmitsu. Comme tu travailles au pensionnat, ils vont sûrement t’en vouloir juste pour ça.
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Kimmitsu Nakajima
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Kimmitsu Nakajima
MessageSujet: Re: Parlons travail   Parlons travail EmptyMar 6 Oct - 13:42

– Je le sais, soupira-t-elle. Une ou deux journées de plus auraient suffi à me tuer, je pense, mais je n’avais aucun autre moyen, le temps était compté. Tu manies l’élément vent, toi aussi, tu sais comment ça fonctionne. En étendant mon élément sur le pays, il a suffit que Sarah utilise une seule fois son don pour qu’il percute le mien et que je puisse la localiser. Je devais agir avant qu’elle ne se décide à tuer mon fils. Même si j’étais morte, il aurait vécu, donc ce n’était pas si grave.

Kimmitsu ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel, retenant un soupir exaspéré. Pas si grave ? Bien sûr que si, au contraire ! Elle représentait autant un symbole qu’un espoir, ne s’en rendait-elle toujours pas compte ? Ne voyait-elle toujours pas l’effet qu’elle pouvait avoir sur les personnes qui la suivaient ? Si elle mourrait, cela porterait un coup très rude à leur combat ! Qui rendrait la suite ? Qui défendrait l’école comme elle le faisait ? Sur qui pourraient-ils compter ? Elle était un symbole, la représentante de certaines idées et valeurs, et ne devait donc pas mourir. Les gens ont besoin d’un symbole, d’une icône, d’une figure, c’est ainsi que fonctionne toutes les guerres, toutes les révoltes, c’est tout l’enjeu de la résistance face à un ennemi, chacun a besoin de croire en son chef et vouloir le suivre. Il reposa son thé sur la table en la regardant, trouvant toujours incroyable qu’elle n’ait pas pleinement ouvert les yeux sur ce qu’elle représentait. La jeune femme souriante, assez colérique et naïve qu’il avait connu à son embauche était très loin. Cette femme avait disparu, depuis bien longtemps, rien ne la ramènera. Gabriella devait se rendre compte de ce qu’elle était aux yeux de ceux qui l’entouraient, c’était d’une importance vitale.

– Pas si grave ? Bien au contraire. C’est sur vous que comptent une grande partie de la population Française, les gens ont besoin d’une personne représentant leurs espoirs, une personne qui se bat avec eux. Vous devez faire plus attention, surtout si l’armée a terminé les travaux dans l’école. Et vous avez déjà manqué d’y passer plusieurs fois. A force de trop tirer sur la corde…

– Kimmitsu, on joue tous avec notre vie depuis le début, le coupa-t-elle. Toi, moi, tous ceux qui ne veulent pas laisser tomber. Je fais autant attention que le peux mais il y a des risques à prendre pour avancer. D’ailleurs, toi, tu n’as pas dit si tu te sentais mieux.

Il jeta brièvement un regard en biais à ses frères, assis juste à côté de lui, avant de le reporter sur sa supérieure, un peu plus rouge. Il avait perdu l’habitude qu’on lui demande aussi directement cela, étant donné qu’au pensionnat, Gabriella-sama et Adrien étaient les seuls à le faire, les autres évitaient. Il s’était passé plus d’un mois, les deux filles étaient rentrées en France, il préparait son mariage, mais cet épisode continuait de brûler sa mémoire, même s’il s’en était ouvert à ses grands frères, contre son gré. Seul Daniel, qui s’était fait avoir, et la directrice savaient très exactement ce qui s’était passé, ils avaient tout vu, tout compris, dans cette salle affreuse. Il serra la main sur le gobelet, avec l’impression de sentir à nouveau ces sangles dures qui l’avaient immobilisé. Il était toujours humilié et voudrait bien savoir comment la directrice faisait pour ne pas y songer trop souvent, étant donné ce qu’elle avait elle-même connu.

– C’est bon, j’ai… avancé, de ce côté-là.

Il plongea le regard dans le thé durant un moment, sans plus rien dire, avant de soupirer et redresser la tête, les yeux dans le vague. Il était sans cesse harcelé par cette scène dans les sous-sols, dans ses cauchemars. Solène l’apaisait un peu, depuis qu’il dormait avec elle, mais il n’avait encore osé lui avouer ce qui était arrivé. Déjà que ses frères avaient dû lui forcer la main… Et tout continuait ? Ce type pouvait encore exercer, il pouvait encore détruire ? Comment l’arrêter ? Gabriella-sama avait le pouvoir d’intervenir ou cela dépendait entièrement de son supérieur hiérarchique ? Kimmitsu regrettait si profondément d’être intervenu, ce jour-là, dans le réfectoire, il regrettait si fort de ne pas l’avoir laissé le jeter dehors et mettre fin à ses jours. Il avait parfaitement conscience qu’il était horrible de souhaiter ainsi la mort d’une personne mais il ne pouvait raisonner autrement, la simple pensée que ce type puisse continuer ses exactions lui donnait envie de vomir. Il se sentait toujours humilié, s’en voulant toujours de n’avoir rien pu faire.

– Rochard continue ses expériences, c’est certain ? On ne peut rien y faire ?

– Je n’ai pas les moyens de faire stopper ça, seul le maréchal pourrait l’ordonner.

Kimmitsu jura entre ses dents, sans tenir compte des regards surpris de sa famille. Il serra un peu plus fort le gobelet de thé, regardant la table sans la voir, tête baissée. C’était ridicule… Ne pas pouvoir se défendre était insupportable. Et Océane… Elle avait failli être brisée par ces entraînements, chez les Guetteurs. Elle était pourtant solide, alors la voir revenir en larmes… Et ce type continuait de sévir, librement, déversant toute sa haine.

– Tu n’aurais rien pu faire, tu sais, murmura-t-elle doucement.

– Merci d’être venu m’aider.

Elle sourit un peu et Kimmitsu se força à boire un peu de thé, pour dissiper le malaise. Lorsqu’il l’avait vu arriver, il avait ressenti une si profonde vague de soulagement et de reconnaissance qu’il aurait pu en pleurer. Il jeta un long regard à Solène, si innocente et douce, souriante comme tout. Il doutait que s grande sœur ait été comme ça un jour, même si elle était bien plus adoucie il ya seulement un an. Emportée et vive, certes, mais plus ouverte et détendue. Le changement avait pris des mois, se mettant peu à peu en place, selon ce qu’elle vivait, et voilà où on en était. Elle reposa tout à coup sa tasse pour tirer son sac vers elle, l’ouvrant d’un geste. Elle avait oublié quelque chose ? Il remarqua alors les regards que lui jetaient ses frères et retint une grimace. Sa mère aussi avait une expression étrange, comme si elle hésitait entre le choc ou la colère, dévisageant leur invité sans se cacher le moins du monde. Solène avait été une curiosité car il comptait l’épouser. Et la grande sœur parce qu’elle était celle qu’il suivait au combat au France. Pourvu qu’il n’y ait pas trop de vagues.

– Tiens, au fait, dit-elle en lui donnant une grosse enveloppe, tirée de son sac. C’est de la part de nos parents, à Solène et moi. Ils sont trop fatigués pour faire le déplacement jusqu’ici, mais ils vous ont écris et fait un cadeau, je pense.

Oh, merci. Il prit l’enveloppe et la déposa sur la table en hochant la tête, notant d’écrire à monsieur et madame de Lizeux pour les remercier. Sa propre mère demanda tout à coup à la directrice si elle avait une grande famille. Hum, s’il avait bonne mémoire, elle ne s’entendait plus très bien avec ses frères… Il en eut confirmation lorsqu’elle répondit, ce qui n’échappa pas à sa mère non plus, puisqu’elle demanda pourquoi ils n’avaient pas pris la peine de se déplacer pour le mariage de leur petite sœur. Bon, là, il sentait venir le choc culturel. Kimmitsu avait l’habitude, imprégné de la même façon par les deux cultures, mais pas sa famille, surtout pas sa mère qui avait beaucoup de mal avec certains aspects de la culture Française, notamment les relations sociales et familiales. Il finit son thé et laissa le gobelet sur la table, la gorge un peu serrée, tendu. Il le sentait venir, vraiment, et ne voyait pas comment l’éviter. Et la directrice non plus ne pouvait pas prévoir la réaction de sa mère.

– C’est à cause de moi, je pense. Etant donné le rang social de ma famille, j’aurai dû être femme au foyer, dans les beaux quartiers de Paris à m’occuper de mes enfants et servir de plante verte, aux côtés de mon mari. Surtout en tant que fille aînée. Mais je travaille, je fais partie de l’armée, et comme Solène veut être indépendante, elle aussi, nos frères ne l’acceptent pas. Pour eux, je suis en train de la contaminer, alors qu’on ne se ressemble pas, pourtant, au niveau du caractère.

Et voilà. Sa mère eut l’air parfaitement scandalisée, les yeux rivés sur la jeune femme. Pour elle, qu’un enfant aîné, garçon ou fille, ne suive pas le chemin édicté par ses parents était le plus terrible déshonneur que puisse connaître une famille. Pire encore, une fille première-née ne pouvait tout simplement pas se couper de ses frères et sœurs plus jeunes, c’était inadmissible, car c’était à elle de veiller sur eux tous. Il tapota légèrement des doigts sur la table, sentant que sa mère se retenait à très grande peine de crier sur cette histoire, tant elle devait trouver ça honteux. L’ambiance s’était alourdie considérablement, la tension était si palpable qu’on pourrait la découper au couteau.

– Ne fais pas attention, d’ailleurs, si tu les croises un jour, ajouta-t-elle pour Kimmitsu. Comme tu travailles au pensionnat, ils vont sûrement t’en vouloir juste pour ça.

– J’ai l’habitude, répondit-il d’un ton tendu, en priant pour qu’il n’y ait pas de cris, même si sa mère était de plus en plus rouge. Mais ça s’arrangera sûrement avec le temps.

– Peut-être, mais ça m’étonnerait. Enfin, ils s’entendront sûrement mieux avec Solène, oui, à force de temps, elle est assez calme et douce pour eux.

– Et vous ne l’avez jamais été ? demanda tout à coup sa mère, d’un ton plus sec et agressif. Vous n’avez jamais été la fille aînée que voulaient vos parents ?!

Gabriella-sama fronça les sourcils et il réalisa qu’elle réfléchissait vraiment, qu’elle se demandait véritablement si elle avait déjà été « douce et calme » un jour, si elle avait déjà été celle que désirait sa famille. Un rire nerveux faillit bien lui échapper alors qu’elle affichait un air assez perplexe, terminant d’achever sa famille sous le choc et l’incompréhension. C’était tout de même hallucinant, de leur point de vue, de voir une personne réfléchir face à ce genre de questions. Il croisa le regard de sa mère, qui semblait furieuse. Les différences culturelles, tout ça…

– Très bonne question, ça, répondit-elle enfin d’un ton pensif, je ne me la suis jamais posée.

Kimmitsu crut vraiment que leur mère allait s’étouffer sur le coup, prêt à bondir pour lui tapoter le dos et l’aider à respirer. Il esquissa un geste mais elle se reprit, respirant profondément, les joues écarlates, sans doute tiraillée entre l’indignation et son devoir d’être polie avec les invités. Et si on changeait de sujet ? Il resservit un peu de thé à tout le monde, cherchant un moyen de changer de sujet, le plus vite possible.

– Vos parents comprennent vos choix de vie ? reprit leur mère d’un ton qu’elle était parvenue à rendre plus doux.

– Oui, même s’ils ont peurs. Cela dit, il vaut mieux éviter qu’ils ne s’en mêlent trop, c’est tellement facile pour un ennemi de s’en prendre à vos proches pour vous atteindre vous. C’est bien pour cela qu’il est hors de question que Solène s’en mêle aussi, je ne veux pas que certaines personnes s’en prennent à elle.

Il hocha la tête, entièrement d’accord sur ça. Il en doutait pas que Solène gardait une certaine force en elle et pourrait y puiser en cas de besoin, mais elle était jeune et bien moins expérimentée que sa sœur, Rochard et d’autres pourraient la briser, s‘ils approchaient d’elle. A moins qu’elle ne devienne comme sa sœur, à force d’épreuves…

– Vous ressembliez un peu à Solène, auparavant, dit-il en lui jetant un coup d’œil. L’année dernière seulement.

– Possible, oui. Mais l’année dernière, je n’avais pas besoin de craindre qu’on enlève ou tue les élèves dont j’ai la charge. Cette année, je compte bien remettre les choses à plat, avec nos collègues…

Elle avait dit ça d’un ton tellement mauvais que Kimmitsu en eut un petit frisson. Cette réunion de pré-rentrée risquait d’être un peu tendue. Il baissa la tête sur la théière, examinant les motifs qui y étaient gravés avec une attention exagéré.

– Parmi les soldats qui vous suivent, certains peuvent nous aider directement ?
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  • Fonda
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Âge RPG : 34 ans
Don(s) : Fulgumancienne et Aquamancienne
Taille : 1m78
Gabriella de Lizeux
Leader
Gabriella de Lizeux
MessageSujet: Re: Parlons travail   Parlons travail EmptyVen 23 Oct - 22:54

– J’ai l’habitude, répondit-il d’un ton tendu, en priant pour qu’il n’y ait pas de cris, même si sa mère était de plus en plus rouge. Mais ça s’arrangera sûrement avec le temps.

Que les choses s'arrangent avec ses petits frères ? Gabriella voulait bien faire un effort pour être un minimum optimiste mais il en demandait beaucoup, cette fois. Son crétin de petit frère l'avait carrément menacée, la dernière fois qu'ils s'étaient vus, et aurait pu la frapper plus violemment si son subordonné n'était pas intervenu pile à ce moment-là. Évitant ainsi à son cher frère un funeste destin, sous la forme de cendres encore fumantes prêtes à être enterrées dans un cimetière Parisien. Enfin, il était possible qu'ils apprécient plus Solène, elle était toute jeune, malléable, docile, souriante, obéissante, la femme parfaite à leurs yeux. Que demander de plus ? Gabriella n'avait jamais pu être ainsi et son père ne l'avait jamais encouragé non plus à le faire. Elle haussa donc les épaules, peu convaincue, même s'il restait une petite lueur d'espoir pour Solène, tout en buvant son thé. Les histoires de famille... Se faire haïr était relativement facile, elle avait l'impression de s'être déjà mis à dos la mère et les deux frères de son collègue. Leurs expressions étaient vraiment parlante, s'en était presque comique.

– Peut-être, mais ça m’étonnerait. Enfin, ils s’entendront sûrement mieux avec Solène, oui, à force de temps, elle est assez calme et douce pour eux.

– Et vous ne l’avez jamais été ? demanda tout à coup sa mère, d’un ton plus sec et agressif. Vous n’avez jamais été la fille aînée que voulaient vos parents ?!

La fille aînée que voulaient ses parents... Hum, voyons voir... Gabriella fronça légèrement les sourcils en mordillant sa cuillère, réfléchissant. L'avait-elle déjà été ou non ? Bonne question, ça... D'ailleurs, quel genre de fille aînée avaient voulu ses parents ? Reposant sa tasse, elle fit tourner la cuillère entre ses doigts, perplexe. Qu'avait-elle toujours représentée aux yeux de ses parents, oui ? L'ambiance s'était apaisée assez tard, après qu'elle ait quitté le foyer familial en refusant un mariage arrangé et une place de bonne petite épouse bien gentille au foyer, refusant de se conformer à toutes ces règles idiotes et ennuyeuses. Mais elle en s'était jamais demandé pourquoi ses parents avaient, au départ, réagi si violemment, ce qu'ils avaient bien pu imaginer pour elle, ni pourquoi ils avaient peu à peu accepter cet état de fait, pourquoi ses frères, eux, étaient toujours contre. Elle avait juste fui cette vie toute tracée, littéralement, retournant au pensionnat où elle avait construit toute sa vie, fuyant son statut de "fille aînée", responsable et mûre. Tout plaqué à dix-huit ans. Et le pire était qu'elle ne le regrettait même pas, elle détestait la mentalité écœurante de la Noblesse et tous leurs beaux principes, elle détestait la façon dont on considérait les femmes, elle ne pouvait pas rester sagement dans son coin à écouter son mari. C'était... Ridicule, voilà tout. A quoi bon se laisser étouffer par tant de considérations sociales ? Jetant un long regard à madame Nakajima, Gaby se demanda si elle pourrait comprendre, mais au fond, il n'y avait pas de vraie réponse.

– Très bonne question, ça, répondit-elle enfin d’un ton pensif, je ne me la suis jamais posée.

Remettant la cuillère dans le coin des dents, elle vit alors son interlocutrice devenir encore plus rouge puis respirer très fort, alors que Kimmitsu et ses deux frères avaient à moitié bondit. Holà, qu'avait-elle dit ? Quelque chose qu'il ne fallait pas ? Elle resta parfaitement silencieuse durant les minutes qui suivirent, sentant son collègue un peu tendu, à côté d'elle, en buvant son thé lentement. Elle ne savait pas comment s'expliquer de toute façon, même si c'était très simple. Elle aimait sa famille mais avait tout plaqué pour être libre et suivre sa propre voie, puis... Elle était partie mais n'avait pas renié les siens pour autant. De toute façon, les choses s'étaient arrangés, avec ses parents ! Sa mère était certes terrorisée mais elle avait accepté, plus ou moins, que sa fille veuille travailler, bien qu'elle ne perde jamais la moindre occasion de la convaincre de se ranger. Son père insistait aussi pour qu'elle revienne à Paris vivre comme femme au foyer mais ne la harcelait pas non plus.

– Vos parents comprennent vos choix de vie ? reprit leur mère d’un ton qu’elle était parvenue à rendre plus doux.

– Oui, même s’ils ont peur. Cela dit, il vaut mieux éviter qu’ils ne s’en mêlent trop, c’est tellement facile pour un ennemi de s’en prendre à vos proches pour vous atteindre vous. C’est bien pour cela qu’il est hors de question que Solène s’en mêle aussi, je ne veux pas que certaines personnes s’en prennent à elle.

Gabriella avait dit cela d'un ton plus sombre et acerbe, dévoilant son dégoût pour ce genre de personnes. Solène était fragile, jeune, elle n'avait pas encore connu de gros drames et il était donc tout à fait hors de question de la mêler de près ou de loin à cette histoire, Kimmitsu ne pourra qu'être d'accord avec elle sur le sujet. Si le docteur Rochard tombait sur elle... Il la briserait comme un rien. Gabrielle frissonnait d'horreur à simplement imaginer Solène entre les mains de ce sale type, ce qu'il pourrait lui infliger, lui faire subir, lui... Non, pas question. Elle reprit une longue inspiration, sa tasse brûlante en main, pendant que son collègue resservait tout le monde. Elle n'était guère fan de thé mais refuser ne serait pas trop polie et au moins, c'était chaud, assez réconfortant. Gaby ne cessait de surveiller ses enfants, qui passaient de bras en bras en bâillant à intervalles régulières. Aurore faisait ses nuits, mais Julien n'arrivait plus à l'imiter, depuis son enlèvement. Gabriella avait passé tout son séjour à l'hôpital à se lever chaque nuit pour le consoler et cela continuait encore. Son bébé... Elle appuya sa tête contre le mur derrière elle, un peu fatiguée.

– Vous ressembliez un peu à Solène, auparavant, dit-il en lui jetant un coup d’œil. L’année dernière seulement.

Avant... Quand elle était plus jeune, beaucoup plus naïve, avec beaucoup moins de responsabilités, plus portée à se détendre, oui. c'était un passé qui lui semblait bien lointain, si lointain, même, qu'elle commençait à douter qu'il ait existé un jour. Mais elle n'avait jamais été aussi souriante ni rieuse, en revanche. Sauf avec Auguste, en fait... Elle avait l'impression qu'ils s'agissait d'une autre vie, sans problème, sans armée, sans guerre, sans révolte, sans rien.

– Possible, oui. Mais l’année dernière, je n’avais pas besoin de craindre qu’on enlève ou tue les élèves dont j’ai la charge. Cette année, je compte bien remettre les choses à plat, avec nos collègues…

Et comme il faut, cette fois ! Elle avait très sincèrement hâte d'y être, à cette fameuse réunion, afin de leur dire tout le bien qu'elle pensait de leur attitude de sales lâches égocentriques et ignorants ! Cette année, ce sera différent, il n'était plus question qu'elle laisse d'autres serpents comme Sarah cracher leur venin dans tout le panier, elle allait les écraser d'un bon coup de talon si l'un osait se comporter de la même façon. Ils devaient comprendre ce qui les attendait et il n'était plus temps de prendre des gants. Elle attendait cela depuis des jours, elle mourait d'envie de tout leur dire platement, quitte à les menacer, pour être sûr qu'il ne reste aucun cafard dans le panier. Souriant d'un air mauvais, elle se força à reprendre une allure normale, tapotant des doigts sur la table. Encore un peu de patience, mes très chers petits, elle allait s'occuper d'eux dans peu de temps. Et ça allait faire mal.

– Parmi les soldats qui vous suivent, certains peuvent nous aider directement ?

– Mes subordonnés, au moins, répondit-elle en retournant la tête vers lui. Les autres ne peuvent pas vraiment ouvertement, ils auraient des ennuis, mais je te ferai rencontrer ceux qui peuvent agir. Et quand vas-tu cesser de me vouvoyer ?

Ils se connaissaient depuis un moment, maintenant, travaillaient ensemble tous les jours, il l'aidait dans son combat, elle avait dix ans de moins que lui et elle allait devenir sa belle-sœur ! Alors pourquoi ? Il haussa légèrement les sourcils puis répondit d'un ton surpris "Jamais, bien sûr". Elle entrouvrit la bouche, prête à répondre, puis soupira en secouant la tête. Elle ne comprenait pas pourquoi il n'osait pas alors qu'il avait accepté aussitôt qu'elle le tutoie. Kimmitsu jeta tout à coup un drôle de regard à un de ses frères, dont elle n'avait pas réussi à retenir le nom. Elle fronça légèrement les sourcils, alors qu'il murmurait un prénom. Qu'est-ce qui se passait ? La fatigue du voyage plus celle accumulée en juillet ne l'aidait pas à garder les idées claires et elle n'était donc pas d'humeur à jouer aux devinettes. Même le thé ne l'aidait pas à plus se concentrer.

– Il y a autre chose que vous devez savoir. Kimmitsu a accepté d'emmener Genji en France avec lui, mon fils qui a le don du vent. Pourrait-il suivre les cours dans votre école ?

Gabriella sourcilla, crispant les mains sur sa tasse de thé. Il voulait inscrire son fils à Sainte Famille, alors que Kimmitsu avait bien dû lui raconter ce qui s'y passait ? N'est-ce pas ? Elle redressa la tête pour le regarder droit dans les yeux, sans comprendre. Elle ne voulait pas que l'école ferme et se battait pour que les élèves puissent mener une scolarité normale, soit, mais tout de même ! Dans ce genre de contexte, expédier un enfant en parfaite sécurité au Japon dans un pays en guerre... Elle jeta un regard à Kimmitsu puis le reporta sur son frère, se frottant légèrement le front.

– Il sait se défendre ?

Elle ne fera pas de commentaires sur le fait qu'elle trouvait odieux ou irresponsable d'envoyer son propre fils aussi loin dans le pire endroit au monde pour lui, même en compagnie de son oncle, mais son regard parlait pour elle. Il devait avoir ses raisons... Il répondit juste "Oui, naturellement" et elle hocha lentement la tête. Soit, ça le concernait, mais tout de même. Gabriella ne pouvait envoyer ses enfants nulle part pour qu'ils y soient en sécurité et elle tombait sur un homme expédiant son propre fils au beau milieu du danger, bravo. Un gamin qui n'avait rien connu des troubles, qui allait arriver et qui... Bon, s'il n'était pas trop du genre turbulent, ça devrait bien se passer. Elle allait ajouter que c'était dangereux et qu'il faudra le surveiller lorsque son fils se réveilla tout à coup en pleurant. Et voilà. Gabriella se leva pour aller le prendre dans ses bras, avant de revenir s'asseoir à sa place initiale. Elle le berça en lui murmurant des paroles de réconfort, l'embrassant sur le front. Là, tout va bien, maman est là...

– Au fait, où est le père de vos enfants ?

– Leur père biologique ? Aucune idée, j'ai été violée.

Elle caressa la joue de Julien pour essuyer ses larmes, doucement. Maman est là, mon bébé... Les frères de Kimmitsu recrachèrent tout à coup le thé qu'ils étaient en train d'avaler et elle leur jeta un regard surpris. Qu'est-ce qui leur arrivait ? Même leur mère avait blêmit en murmurant des trucs incompréhensibles, tandis que Kimmitsu secouait la tête, une main sur le front, en soupirant. Elle l'interrogea du regard tout en serrant son fils contre sa poitrine, perplexe. La vieille dame se redressa avec un immense soupir en tremblant, tendant la main pour attraper celle de son fils aîné. Et bien, sacrée ambiance... Gabriella retint un soupir à son tour, entourant son bébé de ses bras pour le caler contre, une main derrière sa tête.

– Violée... souffla la mère de Kimmitsu. Mon Dieu... C'est terrible...

– Pas tant que ça, il y eu pire. Quand j'étais enceinte, on m'a p... Humph !

Elle jeta un regard noir à Kimmitsu qui avait bondit d'un coup pour lui plaquer une main sur la bouche. Et bien quoi ?! Il secoua la tête avec un regard lourd, une moue suppliante aux lèvres. Elle grommela en hochant la tête et il retira sa main, prenant une longue inspiration. D'accord, c'est bon, elle ne répondrait plus aux questions si ça conduisait à ce genre de réactions, elle avait perdu l'habitude que ce genre de trucs choque son entourage, voilà tout. Bon, ses frères avaient l'air un peu désespérés, mais ce n'était pas si grave.

– Tu es trop nerveux, toi aussi, reprit-elle pour son collègue. Adrien t'avait déjà dit de faire attention, tu fais de l'hypertension.

Il se mit à rougir lentement, puis plus fort, en se mordant les lèvres. Il devait bien se soigner, lui aussi ! Il avait beau jeu de lui dire à elle qu'elle devait faire attention, ne pas mourir, mais il n'était pas mieux, sur ce terrain. Lui aussi avait du mal à prendre vraiment soin de lui parce qu'il pensait d'abord aux autres, chacun ses âneries. Elle pinça les lèvres en berçant son fils, pendant que le frère de Kimmitsu lui jetait un regard noir.

– De l'hypertension ? Tu ne nous avais rien dit à ce propos-là.

– J'ai dû oublier... On apprend à vivre avec.

C'était vrai, ça, ils devaient apprendre très vite à vivre avec genre de désagréments, une fois impliqués dans l'avenir de l'école. Entre l'hypertension, les insomnies, les coups de fatigues et ainsi de suite, il valait mieux avoir une bonne santé dès le départ si on voulait tenir pour ne pas craquer. Son frère ne parut pas convaincu, même si c'était assez vrai.

– On en reparlera plus tard.

Gabriella leur jeta un regard puis récupéra Aurore aussi, vérifiant une énième fois qu'ils dormaient bien et étaient en bonne santé. Solène était parti devant pour préparer un berceau, elles dormiront ensemble jusqu'au mariage, visiblement.

– Je vais coucher les jumeaux. Bonne nuit.

Elle cala ses petits dans ses bras puis salua tout le monde avant de se lever, suivant la voix de Solène qui l'appelait dans le couloir. La rejoignant, elle l'aida à coucher les petits, avant de s'installer elle-même, épuisée. Au lit, à présent, autant essayer de dormir un peu.
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